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Le dernier message de Satoshi Kon


Le 24 aout dernier, un des plus grands réalisateurs de l'animation japonaise nous a quittés. Le lendemain de sa mort, sa famille a diffusé sur Internet une lettre qu'il a écrite à l'attention de toutes les personnes qui l'ont connu directement ou indirectement (famille, amis, collègues, fans...). Cette lettre a été traduite en anglais, par Makiko Itoh, peu de temps après sa publication. Syaoran et Kanome ont décidé de traduire à leur tour de l'anglais au français, avec la participation de Lyn Annouilh et JRD, afin que les mots de ce réalisateur au talent hors‑norme et à l'imagination débordante puissent être lus par le plus grand nombre. En espérant que ce travail vous permettra de connaitre un peu mieux cet homme si passionné par son travail, et dont les œuvres, uniques en leur genre, étaient considérées comme des références bien avant son départ précipité.


Sayônara (Adieu)



Comment pourrais‑je oublier, le 18 mai de cette année ?

Je reçus l'annonce suivante de la part d'un médecin spécialisé dans les maladies cardiovasculaires à l'hôpital Musashino Red Cross :

« Il s'agit de la dernière phase d'un cancer pancréatique. Cela s'est métastasé dans plusieurs os. Vous avez, au plus, six mois à vivre. »

Ma femme et moi‑même écoutions ensemble. C'était un destin tellement inattendu et intenable, que tous les deux, nous ne pouvions que difficilement le supporter.

J'essayais honnêtement de penser « je ne peux rien y faire si je meurs un jour ». Malgré tout, c'était tellement soudain.

Pour en être sûr, il y eut quelques signes. Deux ou trois mois avant que je n'ai de fortes douleurs à différents endroits de mon dos et dans les articulations de mes jambes, je perdis de la force dans ma jambe droite et commençai à éprouver des difficultés à marcher. Je me rendis alors chez un acuponcteur et un chiropracteur, mais ça n'arrangea rien. Alors après avoir été examiné par IRM, par TEP‑CT et par tellement de machines avancées, vint la soudaine annonce concernant le temps qu'il me restait à vivre.



C'était comme si la mort s'était placée elle‑même juste derrière moi sans que je ne le sache, et il n'y avait rien que je puisse faire.

Après l'annonce, ma femme et moi avons cherché différents moyens pour prolonger ma vie. C'était littéralement une situation de vie ou de mort. Nous recevions le support d'amis loyaux et de puissants alliés. J'ai rejeté les médicaments anticancéreux et j'essayais de vivre avec une vision du monde légèrement différente de la normale. L'explication tiendrait au fait que rejeter ce qui est attendu ou normal semble tout à fait me correspondre.

Je n'ai jamais réellement eu l'impression que j'appartenais à la majorité. C'était la même chose pour les soins médicaux, comme pour quoi que ce soit d'autre. « Pourquoi ne pas essayer de continuer à vivre en accord avec mes propres principes ! » Cependant, comme c'est le cas lorsque je suis en train d'essayer de créer une œuvre, la volonté d'un seul ne suffit pas. La maladie continuait de progresser jour après jour.

D'un autre côté, en tant que membre de la société, j'accepte au moins la moitié de ce que la société en général considère comme juste. Je paie mes impôts. Je suis loin d'être un citoyen modèle, mais je suis un membre à part entière de la société japonaise. Ainsi, conjointement aux choses que je devais faire pour prolonger ma vie selon mon point de vue, j'ai également essayé de faire toutes les choses nécessaires pour « être prêt à mourir proprement ». Je ne pense pas que j'ai réussi à le faire proprement, cela dit, mais une des choses que j'ai faites, avec la coopération de deux de mes amis en qui je pouvais avoir confiance, a été de fonder une société pour prendre en charge les choses comme le minuscule nombre de copyrights que je possède. Une autre chose était de m'assurer que ma femme prenne possession de tous les modestes actifs que j'avais, en écrivant soigneusement un testament. Bien entendu, je n'ai pas pensé qu'il puisse y avoir une quelconque bagarre sur mon héritage ou quoi que ce soit, mais je voulais être certain que ma femme, qui resterait derrière dans ce monde, n'aurait à s'inquiéter de rien ; et d'un autre côté, je voulais supprimer toute anxiété en moi, celui qui s'apprêtait à faire un petit bond par là‑bas, avant que je ne doive partir.


Les papiers et les recherches nécessaires à ces tâches, que ni ma femme ni moi n'étions doués à faire, ont été pris en charge rapidement par de merveilleux amis. Plus tard, quand j'ai développé une pneumonie et que je me trouvais aux portes de la mort, et que j'ai mis ma signature finale sur le testament, j'ai pensé que si je mourais ici et maintenant, on ne pourrait rien y faire.

« Ah... Je peux enfin mourir. »

Après tout, je venais d'être emmené en ambulance à l'hôpital Musashino Red Cross, deux jours avant ça, puis emmené de nouveau au même hôpital en ambulance, le jour d'après. Même moi je devais être hospitalisé et subir plusieurs examens. Le résultat de ces examens : pneumonie, de l'eau dans la poitrine, et quand j'ai demandé directement au docteur, la réponse que j'ai reçue fut très professionnelle, et je fus, dans un sens, reconnaissant pour cela.

« Vous pouvez tenir un ou deux jours... Même si vous survivez à cela, vous n'aurez probablement que jusqu'à la fin du mois. »

Alors que je l'écoutais, j'ai pensé : « On dirait qu'il est en train de m'annoncer le bulletin météorologique », mais tout de même, la situation était sinistre.

On était le 7 juillet. C'était à coup sûr un Tanabata plutôt brutal.

Alors, j'ai décidé ceci ici et maintenant : je voulais mourir chez moi.


J'ai dû causer beaucoup de dérangement aux personnes autour de moi, mais je leur ai demandé de voir comment faire pour sortir et revenir à la maison. Cela fut rendu possible grâce aux efforts de ma femme, la coopération de l'hôpital, même s'ils avaient perdu tout espoir pour moi, l'immense aide des autres installations médicales, et la coïncidence qu'il y en ait autant faisait que cela semblait tout simplement être des cadeaux venus du ciel. Je n'avais jamais vu autant de coïncidences et d'évènements tomber autant à pic dans la réalité, je ne pouvais que difficilement le croire. Ce n'était pas Tokyo Godfathers, après tout.

Pendant que ma femme était en train de courir partout pour récupérer mes affaires pour ma sortie, j'étais en train de supplier les docteurs : « Si je peux revenir chez moi, même pour une seule demi‑journée, il y a des choses que je pourrai encore faire ! » J'ai donc attendu la mort, seul, dans une chambre d'hôpital déprimante. J'étais seul, mais c'était ce à quoi je pensais :

« Peut‑être que mourir ne sera pas si mal. »

Je n'avais aucune raison de penser ça, et peut‑être que j'avais seulement besoin de penser comme ça, mais j'étais étonnamment calme et relaxé.

Cependant, il y avait juste une pensée qui me rongeait, au fond de moi.

« Je ne veux pas mourir ici... »

Au moment où j'ai pensé à ça, quelque chose a bougé du calendrier du mur et a commencé à s'étendre autour de la chambre.

« Ciel ! une ligne marche en dehors du calendrier. Mes hallucinations ne sont absolument pas originales. »

J'ai dû sourire du fait que mes instincts professionnels étaient en train de travailler, même dans un moment comme celui‑ci, mais dans tous les cas, j'étais probablement plus proche du royaume des morts que je ne l'ai jamais été, à ce stade de ma vie. Je sentais vraiment la mort très proche de moi. Mais avec l'aide de plusieurs personnes, j'ai miraculeusement réussi à m'échapper de Musashino Red Cross, et je suis retourné à la maison, enveloppé dans la terre des morts et des draps de lits.

Je devrais mettre l'accent sur le fait que je n'ai aucune critique ou haine envers Musashino Red Cross, donc n'interprétez pas mal mes propos.

Je voulais juste retourner chez moi, dans ma propre maison. La maison où j'ai vécu.

C'était un peu surprenant que, lorsque je fus transporté dans mon salon, comme un bonus, j'ai ressenti l'expérience du lit de la mort que tout le monde connait comme « la vision du dessus de votre corps en train d'être transporté vers la chambre ». Je me regardais d'en haut, ainsi que la scène autour de moi, d'une position de plusieurs mètres au‑dessus du sol, à travers une large lentille et une lumière éclatante. Le carré du lit, situé au milieu de la pièce, semblait très large et proéminent, et mon corps enveloppé a été abaissé au milieu du carré. Pas vraiment en douceur, il semblerait, mais je ne me plains pas.

Donc, tout ce que j'avais à faire était d'attendre la mort dans ma propre maison.

Cependant…

Il semble que j'ai été capable de surmonter la pneumonie.

Hein ?

J'ai pensé un truc comme ça :

« Je n'ai pas réussi à mourir ! (rire) »

Après tout, vu que je n'arrivais à penser à rien d'autre qu'à la mort, je pensais que j'allais effectivement mourir. Au fond de ma pensée, le mot « renaissance » vacilla plusieurs fois.

Étonnamment après cela, ma force vitale avait rajeuni. Du plus profond de mon cœur, je crois que ceci est dû à toutes les personnes qui m'ont aidé, tout d'abord la plus importante, ma femme, et mes amis qui m'ont soutenu, les docteurs et les infirmières, et le responsable des soins.

Maintenant que ma force vitale était revenue, je ne pouvais pas perdre mon temps. Je me suis dit à moi‑même que l'on m'avait donné une vie supplémentaire et que j'allais l'utiliser avec précaution. Donc j'ai pensé que je voulais effacer au moins une des irresponsabilités que j'avais laissées derrière moi dans ce monde.

Pour être honnête, je voulais seulement prévenir les personnes qui me sont les plus proches, à propos de mon cancer. Je ne l'avais même pas dit à mes parents. En particulier, en raison d'un ensemble de complications liées au boulot, je ne pouvais rien dire (aux gens), même si je le voulais. Je voulais annoncer mon cancer sur Internet et y reporter ma vie restante, mais si la mort de Satoshi était programmée, cela aurait peut‑être produit quelques vagues, même si petites. Pour ces raisons, j'ai agi de manière très irresponsable vis‑à‑vis de personnes proches de moi. Je suis tellement désolé.

Il y avait tellement de personnes que je voulais voir avant de mourir, pour dire ne serait‑ce qu'un seul mot de remerciement, à ma famille et à mes proches, mes anciens amis et camarades de l'école primaire, du collège et du lycée, les copains que j'ai rencontrés à l'université, les gens que j'ai rencontrés dans l'univers du manga, avec qui j'ai échangé tellement d'inspiration, les personnes dans l'univers de l'animé avec qui j'étais voisin de bureau, avec qui j'ai bu, avec qui j'ai rivalisé pour un même travail, les copains avec qui j'ai partagé de bons et de mauvais moments. Toutes les incalculables personnes que j'ai pu connaitre en raison de ma position de réalisateur, les gens qui s'appellent eux‑mêmes mes fans, pas seulement au Japon mais partout dans le monde, les amis que je me suis fait via le Web.

Il y a tellement de personnes que je veux voir au moins une fois (enfin, il y en a d'autres que je ne veux pas revoir également), mais si je les vois, j'ai peur que la pensée « Je ne pourrai plus jamais revoir cette personne » s'empare de moi, et je ne serai alors plus en mesure d'être capable d'accueillir la mort avec grâce. Même si j'ai récupéré, il ne me reste que très peu de force vitale, et cela demande beaucoup d'efforts de voir des gens. Plus le nombre de personnes voulant me voir augmentait, plus il était difficile pour moi de les voir. Quelle ironie. En plus de cela, le bas de mon corps était paralysé du fait de la propagation du cancer dans mes os, j'étais allongé dans mon lit et je ne voulais pas que les gens voient mon corps décharné. Je voulais surtout que les gens que j'ai connus se souviennent de moi en gardant l'image du Satoshi qui était toujours plein de vie.

J'aurais aimé utiliser cet espace pour m'excuser auprès de mes proches, amis et connaissances, pour ne pas leur avoir dit à propos de mon cancer, pour mon irresponsabilité. S'il vous plait, comprenez que ceci était le désir égoïste de Satoshi. Je veux dire, Satoshi Kon était « ce genre de gars ». Quand j'imagine vos visages, j'ai seulement de bons souvenirs et je me rappelle de superbes sourires. Tout le monde, merci sincèrement à vous pour tous ces magnifiques souvenirs. J'ai aimé le monde dans lequel j'ai vécu. Juste le fait que je puise penser cela me rend heureux.

Les nombreuses personnes que j'ai rencontrées tout au long de ma vie, qu'elles soient positives ou négatives, ont aidé à modeler l'être humain qu'était Satoshi Kon, et je suis reconnaissant pour toutes ces rencontres. Même si le résultat final est un décès prématuré dans le milieu de ma quarantaine, j'ai accepté ceci comme ma propre et unique destinée. J'ai eu tellement de choses positives qui me sont arrivées, après tout.



La chose à laquelle je pense à propos de la mort, maintenant, c'est : « Je peux seulement dire : c'est tellement dommage. » Vraiment.

Cependant, bien que je puisse me débarrasser de plusieurs de mes actions irresponsables (en ne les disant à personne), je ne peux pas m'empêcher de regretter deux choses. L'une à propos de mes parents, et l'autre à propos de monsieur Maruyama, (fondateur) de Madhouse.

Bien que ce soit un peu tard, il n'y avait aucun autre choix que celui d'être clair, avec une transparence totale. J'aimerais les supplier de m'accorder leur pardon.

Dès que j'ai vu le visage de monsieur Maruyama quand il est venu me voir à la maison, je ne pouvais arrêter l'écoulement de mes larmes ou mon sentiment de honte. « Je suis tellement désolé, de finir comme ça... » Maruyama n'a rien dit, et a juste secoué sa tête et attrapé mes deux mains. J'étais rempli de reconnaissance. Les sentiments de gratitude et de joie, du fait d'avoir été suffisamment chanceux de travailler avec cette personne, sont venus en moi comme une victoire écrasante. Cela peut paraitre égoïste, mais je me suis senti comme si j'avais été pardonné à cet instant.

Mon plus grand regret est le film Dreaming Machine. Je suis inquiet, pas seulement à propos du film lui‑même, mais aussi vis‑à‑vis du staff avec lequel j'ai pu travailler sur le film. Après tout, il y a de fortes possibilités que les storyboards, qui ont été créés avec sang, sueur et larmes, ne soient jamais vus. C'est parce que Satoshi Kon a complètement pris en main l'histoire originale, le script, les personnages et les arrangements, les esquisses, la musique... chacune des images. Bien sûr, il y a des choses que j'ai partagées avec le directeur de l'animation, le directeur artistique et le reste du staff, mais fondamentalement, la plupart du travail peut seulement être compris par Satoshi Kon. Il est facile de dire que c'est ma faute d'avoir arrangé les choses en ce sens, mais de mon point de vue, j'ai fait beaucoup d'efforts pour partager ma vision avec les autres. Cependant, dans mon état actuel, je peux seulement ressentir de profonds remords pour mon inadéquation dans ces domaines. Je suis réellement désolé vis‑à‑vis de tout le staff. Cependant, je veux qu'ils comprennent, même un petit peu, que Satoshi Kon était « ce genre de gars », et c'est pourquoi il a été capable de faire des animés plutôt étranges qui étaient assez différents. Je sais qu'il s'agit d'une excuse égoïste, mais pensez à mon cancer et, s'il vous plait, pardonnez‑moi.

Je ne suis pas resté passif en attendant la mort ; d'ailleurs, en ce moment, je suis en train de réfléchir, avec mon cerveau affaibli, à un moyen pour faire en sorte que le projet continue à vivre même après mon départ. Mais ce ne sont que des idées superficielles. Quand j'ai communiqué à Maruyama mes préoccupations au sujet de Dreaming Machine, il a juste dit : « Ne t'inquiète pas. On va trouver un moyen, alors ne t'inquiète pas. »

J'ai pleuré.

Je n'ai pas pu m'arrêter de pleurer.

Même si, dans mes précédents films, j'ai été irresponsable avec la production et les budgets, en définitive, j'ai toujours eu la présence de Maruyama pour m'aider à m'en sortir.

Cette fois-ci n'est pas différente. Je n'ai vraiment pas changé.

J'ai été capable de parler de ce que j'avais sur le cœur à Maruyama. Grâce à ça, j'ai pu sentir, tout au moins un peu, que le talent et les compétences de Satoshi Kon comptaient pour notre industrie.
« Je regrette de perdre ton talent. J'aurais aimé que tu puisses nous le léguer. »

Si Maruyama de Madhouse dit cela, je peux aller dans l'autre monde avec un petit peu d'amour propre, après tout. Et bien sûr, même si personne d'autre ne me le dit, je regrette réellement que mes visions étranges et ma capacité à dessiner les choses dans le moindre détail soient perdues, mais l'on n'y peut rien. Je suis reconnaissant du fond du cœur que Maruyama m'ait donné l'opportunité de montrer ces choses au monde. Merci beaucoup. Satoshi Kon a été heureux comme réalisateur d'animés.

J'avais le cœur brisé de le dire à mes parents.

J'avais réellement l'intention d'aller à Sapporo, où mes parents vivent, pendant que j'en étais encore capable, mais ma maladie progressait si inopinément et ennuyeusement vite que j'ai finalement dû leur téléphoner de ma chambre d'hôpital alors que j'étais sur le point de mourir.

« Je suis dans la phase terminale de mon cancer et je mourrai bientôt. J'ai été si heureux d'être le fils de parents tels que vous. Merci. »

Ils doivent être dévastés d'apprendre ça de but en blanc, mais j'étais maintenant certain que j'allais mourir à ce moment.

Mais après être rentré à la maison et avoir survécu à une pneumonie, j'ai pris la grande décision de voir mes parents. Ils voulaient me voir aussi. Mais c'était trop dur de les voir, et je n'avais pas la force de le faire. Néanmoins, je voulais quand même voir les visages de mes parents une dernière fois. Je voulais leur dire combien j'étais reconnaissant qu'ils m'aient mis au monde.

J'ai été une personne heureuse, bien que je doive m'excuser auprès de ma femme, de mes parents et de toutes les personnes que j'aime ; j'ai vécu d'ailleurs ma vie un peu plus rapidement que la plupart.

Mes parents acceptèrent mes souhaits égoïstes et arrivèrent le lendemain, de Sapporo à chez moi. Je ne peux oublier les premiers mots sortant de la bouche de ma mère, quand elle me vit couché là.

« Je suis désolée de ne pas t'avoir fait naitre dans ce monde avec un corps plus fort ! »

J'étais complètement sans voix.

Je pouvais seulement passer un court moment avec mes parents, mais cela était suffisant. J'avais senti que si je voyais leur visage, cela me suffirait, et c'est ce qu'il s'est passé.

Merci Père, Mère. Je suis heureux d'être né dans ce monde comme votre enfant à tous les deux. Mon cœur est rempli de souvenirs et de gratitude. Le bonheur lui‑même est important, mais je suis tellement reconnaissant que vous m'ayez appris à apprécier le bonheur. Merci beaucoup.

C'est si irrespectueux de mourir avant ses parents, mais dans les dix dernières années, j'ai été capable de faire ce que je veux en tant que réalisateur d'animés, de parvenir à mes buts et d'obtenir de bonnes critiques. J'ai vraiment le regret que mes films n'aient pas rapporté beaucoup d'argent, mais je pense qu'ils ont obtenu ce qu'ils méritaient. Dans ces dix dernières années, en particulier, je me suis senti vivre plus intensément que les autres personnes, et je pense que mes parents ont compris ce qu'il y avait dans mon cœur.

Grâce aux visites de Maruyama et de mes parents, j'ai senti comme si un lourd fardeau sur mes épaules m'avait été retiré.


En dernier lieu, merci à ma femme, pour laquelle je m'inquiète le plus, mais qui m'a soutenu jusqu'à la fin.

Depuis que le temps m'est compté, nous avons fondu en larmes ensemble de nombreuses fois. Chaque jour était brutal pour nous deux, physiquement et mentalement. Il n'y a presque pas de mots pour cela. Mais la raison pour laquelle je fus capable de survivre à ces jours difficiles tient dans les mots que tu me disais juste après que nous eûmes reçu les nouvelles.

« Je serai à tes côtés jusqu'à la fin. »

Fidèle à ces mots, comme si tu laissais mes soucis dans la poussière, tu gérais adroitement les demandes et les requêtes qui venaient nous précipiter vers une débâcle, et tu as rapidement appris comment prendre soin de ton mari. J'étais si ému, à te regarder t'occuper de ces choses si efficacement.

« Ma femme est impressionnante. »

Aucun intérêt de continuer de dire cela en ce maintenant, tu dirais ? Non, non. Tu es encore plus impressionnante que tu ne l'étais ; je le ressens vraiment. Même après ma mort, je crois que tu enverras Satoshi Kon dans le prochain monde avec grâce. Même si depuis que nous sommes mariés, j'étais tellement absorbé par mon travail que je n'ai été capable de passer du temps à la maison qu'après le cancer ; quelle honte.
Mais tu t'es tenue à côté de moi, tu as toujours compris que j'avais besoin de me plonger dans mon travail, que mon talent était là. Merci.

Il y a tellement de choses, d'innombrables choses dont je m'inquiète, mais chaque chose exige une fin. En dernier lieu, au Docteur H, qui a accepté de me rendre visite chez moi à la fin, bien que ce soit quelque chose qui ne se fait plus de nos jours, à sa femme et infirmière K, j'aimerais exprimer ma profonde gratitude. Les soins médicaux dans une maison privée sont peu commodes, mais vous vous occupez patiemment des nombreuses douleurs et souffrances que le cancer provoque, et vous faites tout ce qui est réalisable pour faire en sorte que le temps qui m'est accordé, jusqu'au but final appelé mort, soit aussi confortable que possible. Je ne peux pas dire à quel point vous m'avez aidé. Et vous ne vous êtes pas simplement occupés d'un difficile et arrogant malade comme si c'était simplement votre travail, mais vous avez communiqué avec moi comme un être humain. Je ne peux vous dire l'importance de votre soutien pour moi, et à quel point vous m'avez sauvé. J'ai été encouragé par vos qualités d'être humain plusieurs fois. Je suis profondément, très profondément reconnaissant.

Merci, et c'est vraiment le dernier, mais peu de temps après que j'ai reçu cette nouvelle au milieu du mois de mai jusqu'à maintenant, j'ai été chanceux d'avoir la coopération, l'aide et le soutien morale de deux amis, de manière personnelle et professionnelle. Mon ami T, qui est un ami depuis le lycée et un membre de l'entreprise KON'Stone, et le producteur H, je vous remercie tous les deux du fond de mon cœur. Merci beaucoup. Il est difficile pour moi d'exprimer, avec mon misérable vocabulaire, ma gratitude de manière appropriée envers vous deux. Ma femme et moi‑même avons reçu beaucoup de vous.

Si tous deux n'aviez pas été là pour nous, je suis sûr que j'aurais attendu la mort en regardant ma femme, ici assise à mon côté, avec considérablement plus d'inquiétude. Je vous suis vraiment redevable.

Et si je peux vous demander une autre chose : pourriez‑vous aider ma femme à m'envoyer de l'autre côté après ma mort ? Je serai capable de m'envoler l'âme en paix, si vous pouviez faire cela pour moi. Je demande ça de tout mon cœur.

Aussi, à tous ceux qui restent attachés à moi, jusqu'au bout de ce long document, merci. Avec mon cœur rempli de gratitude pour chaque bonne chose dans ce monde. Je vais déposer mon stylo.

Maintenant excusez‑moi, je dois partir.

Satoshi Kon.


Le 27-08-2010 à 23:33:41 par : Satoshi Kon

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